Comment évaluer la valeur des actions d’une société dans le cadre d’une succession ou d’une donation ?
De décisions récentes, il semblerait que l'administration fiscale flamande accorde une attention plus accrue à l’évaluation des sociétés dans le cadre d’une succession ou d’une donation. Notons qu’il n'est pas toujours facile d'évaluer la valeur des actions d'une société. A cet égard, des décisions du 19 décembre 2023, du 31 janvier 2024 et du 14 mars 2024 fournissent quelques lignes directrices à prendre en considération pour telle opération.[1]
[1] Gand, le 19 décembre 2023, 2022/AR/1170, Tr. Flandre orientale (Gand) 31 janvier 2024, 22/2259/A, Tr. Flandre orientale (Gand) 14 mars 2024, 19/3347/A et 19/3348/A. L'arrêt du 31 janvier 2024 a fait l'objet d'un appel.
Quelle était la problématique rencontrée dans ces litiges?
Les litiges concernaient l'évaluation des actions d'une société dans le cadre d’une succession. Dans ces affaires, l'administration fiscale flamande (VLABEL) n'était pas d'accord avec la valeur des actions déclarée par les contribuables dans leurs déclarations de succession. Aucun des litiges ne concernait l'évaluation des actions dans le cadre d’une donation, mais comme la base imposable des actions dans le cadre d’une succession et d’une donation est toujours la valeur de vente des dites actions, nous pouvons appliquer les mêmes principes.
L'évaluation de la valeur des actions des sociétés concernées, telle qu'elle ressort des décisions judiciaires, reste une question de fait. Toutefois, nous pouvons tirer de cette jurisprudence quelques principes à appliquer lors de l'évaluation de la valeur des actions de sociétés.
Quelques principes d'évaluation des actions d'une société
La valeur de vente n'est pas la même que la valeur des actions
En matière de succession et de donation, la base imposable est la valeur de vente du bien. Elle n'est, partant, pas la même que la valeur des actions de la société. La Cour d'appel a été très explicite à ce sujet, dans son arrêt du 19 décembre 2023, en déclarant que la valeur de vente est « le prix qu'un tiers indépendant serait prêt à payer dans des circonstances similaires et au même moment ». L'expert réviseur d'entreprises désigné par le tribunal de première instance, dans le jugement du 14 mars 2024, a également indiqué que : « la différence entre la valeur des actions d'une société et la valeur de vente (prix), est la décote ».
Il est donc clair que, lors de l'évaluation d'une société, il convient d'estimer ce qu'un tiers indépendant paierait pour ces actions. A cette fin, plusieurs facteurs peuvent avoir une influence sur ce prix tels que sans que cette liste ne soit exhaustive : le secteur d’activité, l’influence des actions données ou héritées, la dépendance de la société vis-à-vis du dirigeant etc.
La méthode dite d'évaluation intrinsèque doit-elle être utilisée pour tout type de société ?
La jurisprudence et la pratique montrent que VLABEL favorise la méthode dite « d'évaluation intrinsèque ». Selon cette méthode d'évaluation, la valeur des actions de la société est déterminée uniquement en réévaluant la valeur comptable des actifs de la société à leur valeur actuelle, puis en faisant la somme de cette valeur économique actuelle en déduisant les dettes. Cette méthode ne tient pas compte des gains ou pertes futurs estimés.
Il ressort clairement de la jurisprudence que cette méthode d'évaluation intrinsèque est considérée comme appropriée pour l'évaluation des actions de sociétés immobilières ou patrimoniales. Dans l'arrêt du 31 janvier 2024, le contribuable avait, pour évaluer la société immobilière, effectué une moyenne pondérée de la méthode dite d'évaluation intrinsèque et de la méthode d’ évaluation dite du rendement.. Le tribunal a considéré qu'il n'était pas justifié de corriger partiellement la valeur intrinsèque de la société avec cette valeur de rendement. En application de cette jurisprudence, Il semblerait donc préférable d'utiliser une méthode dite d’ évaluation intrinsèque pour une société immobilière ou patrimoniale. Bien entendu, il est toujours possible que la valeur de vente d'une société immobilière soit inférieure à sa valeur nette d'inventaire en raison de certaines décotes telles que décrites ci-dessus.
Pour les sociétés d'exploitation, la situation est différente. A cet égard, la Cour d'appel indique, elle-même, que l'évaluation d'une telle société n'est pas chose aisée. Il n'existe pas de formule universelle pour évaluer la valeur d’une société d’exploitation. Toutefois, pour obtenir une évaluation plus précise d'une société dite d’exploitation, il semble judicieux d'utiliser - au moins en partie - une méthode d’évaluation basée sur le rendement. Dans l'arrêt en question, la cour retient une évaluation de la société sur base de la moyenne de la valeur de l'actif net et de la valeur de rendement.
Quid des événements survenant après le décès ou la donation ?
L'évaluation des actions d'une société doit être effectuée au moment du décès ou de la donation.. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte des faits survenus après cette date. Par conséquent, une réduction de capital intervenue après cette période ne peut pas affecter l'évaluation de la valeur des actions.
Néanmoins, si les actions sont vendues à un tiers indépendant, et ce peu de temps après le décès ou la donation, il s'agira, dans tel cas, d'un élément à prendre en considération pour déterminer la valeur de vente des actions. C'était donc le cas dans l'arrêt du 19 décembre 2023. Ainsi, par définition, cette vente n'affecte pas l'évaluation des actions au moment du décès, mais constitue une indication de cette valeur de vente.
Quid des éventuelles latences fiscales ?
Dans les jugements du 31 janvier 2024 et du 14 mars 2024, le tribunal a également statué sur la question des latences fiscales, à savoir sur l’un impôt à payer pouvant être potentiellement déduit de la valeur des actions. Dans le jugement du 31 janvier 2024, les contribuables avaient pris en considération une latence fiscale et ce, à un taux de 25 %. Toutefois, le tribunal a estimé qu'il était plus logique pour une société en activité d'appliquer une taxation échelonnée plutôt que d'imposer intégralement et immédiatement la plus-value potentielle. En cela, le tribunal a suivi VLABEL qui a appliqué un taux de 15,33 % en considération d’amortissements sur une période de 30 ans et d'un taux d'escompte de 3,5 %. Dans le jugement du 14 mars 2024, l'expert a indiqué que la moitié du taux d'imposition marginal est un pourcentage généralement admis pour le calcul d'une latence fiscale.
Décision
Comme le montrent la pratique et la jurisprudence, VLABEL s'est particulièrement intéressée à l'évaluation des actions jusqu'à présent. Comme l'a indiqué à juste titre la Cour d'appel de Gand, l'évaluation des actions d'une société peut poser des difficultés.
Certains principes semblent ressortir clairement de l'arrêt de la Cour et des deux arrêts du tribunal à savoir que c'est la valeur de vente des actions qui compte, et non la valeur des actions elles-mêmes. De plus, pour une société immobilière ou patrimoniale, il s’avère qu’il est préférable pour le contribuable d’évaluer la société en recourant à la méthode d’évaluation dite intrinsèque. Toutefois, en présence d’ une société d’exploitation, il semblerait préférable de tenir compte, au moins partiellement, du rendement de la société pour en évaluer sa valeur. En outre, l'évaluation est déterminée à un moment fixe. Les éléments de faits qui se produisent à posteriori n'affectent pas la valeur de vente. Enfin, le contribuable peut tenir compte d’éventuelles latences fiscales. Si la société est en activité, il est préférable de ne pas déduire le taux d'imposition marginal total de la valeur.
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